PROLOGUE
(Version consolidée)
LâĂ©tĂ©, qui sâĂ©tait particuliĂšrement Ă©ternisĂ©, touchait Ă sa fin.
La Samhain approchait Ă grand pas et, avec elle, les premiers frimas de lâhiver se faisaient dĂ©jĂ sentir.
La nature allait sâĂ©teindre, comme Ă chaque automne, pour que recommence le cycle de la vie et le cycle des nains.
Les nains suivent, en effet, lâancien calendrier dont le premier jour commence au lendemain des cĂ©lĂ©brations de Samhain.
Ils sâapprĂȘtaient donc Ă sâenterrer dans leurs monumentales citĂ©s souterraines, pendant les mois qui constituent les saisons hivernales.
Avant de se couper ainsi du monde, les diffĂ©rents clans ont pour coutume de tous se rĂ©unir lors dâune immense assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale.
Cette rĂ©union, qui dure plusieurs jours et nuits sans discontinuer, sâarticule autour dâun banquet gargantuesque oĂč tous les sujets de lâannĂ©e passĂ©e sont discutĂ©s et dĂ©battus. Les grandes orientations de lâannĂ©e Ă venir y sont aussi Ă©voquĂ©es afin que toute la nation naine agisse pour le bien commun.
Nous Ă©tions au cinquiĂšme jour des rĂ©jouissances, le hall cyclopĂ©en abritait des centaines de nains attablĂ©s. Dâimmenses brasiers, placĂ©s au centre de la piĂšce, faisaient rĂŽtir les nons moins immenses piĂšces de gibiers de toutes sortes, qui Ă©taient avidement englouties depuis des jours. Les tonneaux de biĂšres, que lâon vidaient Ă un rythme effrĂ©nĂ©, Ă©taient fendus Ă la volĂ©e et jetĂ©s dans les flammes pour continuer dâalimenter les feux.
Les clans Ă©taient rĂ©unis autour dâune tablĂ©e unique, qui formait un U entourant les Ăątres et les allĂ©es de service.
De gigantesques tapisseries, racontant les gloires passées du peuple nain et de ses plus grand héros, ornaient les murs. Elles étaient éclairées à la lueur de millions de bougies trÎnant sur des candélabres en or finement ouvragés.
La voĂ»te de la piĂšce Ă©tait une merveille dâarchitecture Ă lâacoustique incroyable. Lorsquâun nain parlait en levant la tĂȘte, sa voix sây rĂ©percutait et sây amplifiait de telle maniĂšre que nâimporte qui, de nâimporte quel endroit dans la salle, pouvait lâentendre de maniĂšre parfaitement intelligible.
Les autres sons semblaient ĂȘtre comme mis en sourdine par quelque Ă©trange magie dont seul les nains ont le secret.
Les nains et les naines prĂ©sents Ă©taient habillĂ©s de leur plus beaux atours, mĂȘme les gens de service.
Leur agilitĂ© lĂ©gendaire dans les arts de la table garantissaient Ă leurs tenues de rester immaculĂ©es jusquâau terme de lâassemblĂ©e.
Dans la culture naine, une tĂąche quelconque revient Ă gĂącher de la boustiffaille. Au delĂ de la gageur, câest aussi considĂ©rĂ© comme une insulte qui, par le passĂ©, sâest dĂ©jĂ soldĂ©e par des dĂ©clarations de guerre et des raccourcissements de personnes Ă hauteur des Ă©paules.
Câest ainsi attablĂ©s que les nains rĂ©glaient leurs affaires importantes.
Les bilans Ă©conomiques de toutes les activitĂ©s liĂ©es aux diffĂ©rentes ventes dâarmes, dâoutillages, de produits de minage, de bijoux, de commerce dâalcool, de nourriture et autres denrĂ©es pĂ©rissables avaient Ă©tĂ© instruits, discutĂ©s et validĂ©s en sĂ©ance.
Les questions dâargent rĂ©glĂ©es, lâheure Ă©tait donc venue dâaborder les sujets de sociĂ©tĂ© et, plus particuliĂšrement, de planifier les premiers raids du printemps.
La voix de Spinous se fit entendre : â- Quâon attaque les elfes des forĂȘts du sud, leur vin est bon et lâair du sud nous fera du bien pour lancer la saison des raids.â
Plusieurs centaines acquiescĂšrent.
La voix dâE.Cul-de-ChĂȘne se fit Ă©cho : â- Par ma barbe, maudits soient tous ces elfes et leur vin. Attaquons les tribus orks des plaines de lâEst qui partent toujours piller les terres orientales en hiver. Ils rentreront Ă peine de leurs raids, fourbus et les coffres pleins. De lâargent facile, que je dis.â
Des centaines de cris de ferveur amplirent la salle et le dĂ©bat tourna Ă la foire dâempoigne et Ă celui qui braillerait le plus fort.
Et tout cela pourquoi me demanderez-vous ?
Et bien, pour savoir Ă lâencontre de qui serait menĂ©e la premiĂšre attaque des nains pour fĂȘter lâouverture de la saison estivale : les orks ou les elfes.
"- Du calme, du calme, mes frĂšresâŠâ fit la voix apaisante de Dice Roller, un seigneur de clan respectĂ© de tous.
Tous se rassirent.
Aucune biĂšre nâavait Ă©tĂ© renversĂ©e, ni aucune nourriture gĂąchĂ©e, telle Ă©tait la façon des nains.
â- Demandons son avis Ă Meroutback.â , ajouta-tâil.
Meroutback était un demi ork, elfe du cÎté de sa mÚre.
Bien que personne nâait jamais compris comment une elfe avait pu sâamouracher dâun ork, il Ă©tait la preuve vivante que cela pouvait arriver ou, tout du moins, que cela Ă©tait arrivĂ© au moins une fois.
RejetĂ© par les deux peuples Ă cause de lâabomination quâil reprĂ©sentait Ă leurs yeux, les nains lâavaient accueilli Ă bras ouverts, juste pour faire chier les elfes et les orks.
Au fil du temps, ils avaient appris Ă lâapprĂ©cier et Ă le respecter, il Ă©tait dĂ©sormais considĂ©rĂ© comme lâun des leurs Ă part entiĂšre.
â- Je ne sais pas trop.â RĂ©pondit Meroutback. â- Les elfes du Sud sont des baltringues incapables de se battre et qui prĂ©fĂšrent batifoler dans les fourrĂ©s quand les oiseaux et la nature chantent. Pas sĂ»r que ce soit trĂšs intĂ©ressant.â
â- Les orks de lâEstâŠâ, reprit-il, ââŠsont des brutes Ă©paisses qui dĂ©fendront chĂšrement leur butin, quoi quâil leur en coĂ»te. MĂȘme Ă©puisĂ©s, ils sont trĂšs dangeureux. Leur or pourrait nous coĂ»ter beaucoup de bonnes vies naines.â
â- On pourrait peut-ĂȘtre plutĂŽt essayerâŠâ, Il nâavait pas eu le temps de finir que lâengueulade avait repris de plus belle.
â- Par⊠Ma⊠Barbe !â hurla E.Cul-de-ChĂȘne qui, faute de pouvoir casser de lâork, se serait bien passer les nerfs sur quelques nains suicidaires. Les murs tremblĂšrent.
Tous se figĂšrent, immobiles et silencieux, le considĂ©rant du regard : Les colĂšres du nain Ă©taient lĂ©gendaires, surtout quand son postĂ©rieur le faisait souffrir, et nul ne souhaitait le voir passer en mode berseker dans lâimmĂ©diat, surtout en intĂ©rieur et sans ennemis Ă proximitĂ©.
Spinous en profita pour prendre Ă nouveau la parole. Il venait dâavoir une idĂ©e brillante, une idĂ©e naine.
« - Pourquoi ne pas organiser un combat, ou plutÎt un championnat de combats à élimination directe? Envoyons nos meilleurs guerriers kidnapper des orks et des elfes de tous les clans connus et laissons le sort en décider. »
Il réfléchit un instant.
« - Jâai pas encore tout bien peaufinĂ©, niveau modalitĂ©s et tout⊠Mais, si on se retrouvait ici mĂȘme⊠genre, dans 1 mois⊠avec des orks et des elfes prĂȘts Ă combattreâŠÂ »
Il avait su capter toute leur attention.
â- On les fait se cogner dessus, en un contre un aprĂšs tirage au sort. On Ă©value les potentiels de chacun, et on dĂ©cide de chez qui on va pour fĂȘter la reprise, non ? Qui est pour ?â
LâidĂ©e plut beaucoup et fut adoptĂ©e Ă lâunanimitĂ© du vote Ă mains levĂ©es qui sâen suivi.
Il y eu alors moults Ă©clats de rire, discussions enflammĂ©es et choppines qui sâentrechoquĂšrent. Beaucoup se proposaient spontanĂ©ment pour aller capturer untel du clan des fougĂšres urticantes ou le grand machin de la harde des grosses baffes.
Certains envisageaient mĂȘme de ramener deux spĂ©cimens, ork et elfe, pour avoir le temps de les faire sâentraĂźner.
En plus, il serait toujours temps de rĂ©clamer une rançon pour la tĂȘte des eventuels survivants.
Meroutback allait demander quel était le prochain sujet à aborder, en se servant au passage une triple pinte, quand une petite voix se fit entendre sous la voûte.
â- Chers maĂźtres nains, si vous souhaitez organiser des combats, je suis assurĂ©ment le gnome de la situation. Oswald T. Thriplwoodgrawn, troisiĂšme du nom, pour vous servir.â
La voix marqua une courte pause.
â- Mais oĂč est-ce que jâai encore mis ce modĂšle de contratâŠAh, le voilĂ .â
â- Faites moi confiance,âŠâ reprit-elle, â⊠Je suis un professionnel. Vous ne serez pas déçusâŠâ