De la peinture des visages et de la carnation

Aborder la peinture d’un visage et la carnation.

Un Barbare sauvage, une Guerrière farouche ou un Orc belliqueux, quelle que soit la figurine choisie, son visage est un point focal essentiel. La grande difficulté est de rendre un minimum d’expression, de vie et de crédibilité, afin d’obtenir, sans forcément atteindre des sommets de précision (du moins pour les plus petites échelles) une figurine harmonieuse et agréable à regarder.

Je vais me pencher sur une méthode simple à appréhender, quel que soit le niveau de chacun, afin de poser les bases de la réalisation d’un visage.

Avant d’attaquer la phase technique et pratique, je partage ma conception –toute personnelle- de la réalisation d’un visage.

Premièrement, je classe les visages en 2 catégories : les visages humains, que je retrouve sur les figurines humanoïdes (hommes, nains, elfes) et les visages « fantastiques », dans lesquelles je classe les « montres » (orks, trolls,…) et extra-terrestres (la SF en regorge).

Le visage de types fantastiques est, à mon avis, un peu plus simple à réaliser, parce que notre interprétation subjective d’un visage inhumain est assez libre. C’est-à-dire que notre vision ne sanctionne pas –ou beaucoup moins- une erreur de placement ou coloration sur un visage que nous interprétons comme plus ou moins « abstrait ».

En revanche, les visages humains demandent plus de rigueur, car nous sommes habitués à reconnaitre et identifier une expression, ou des proportions. C’est un exercice totalement inconscient que nous pratiquons tous les jours au contact de nos proches.

Pour moi c’est là que se trouve la plus grande difficulté dans la peinture d’un visage : arriver à faire croire à notre œil qu’il regarde un visage « authentique ».
Pour la petite histoire, j’ai un sentiment d’accomplissement personnel lorsque l’assistant de mon appareil photo passe en mode portrait quand je photographie une de mes réalisations.

En résumé, je pense que notre vision sera plus tolérante face à la peinture d’un visage d’ork, dans lequel on ne retrouve finalement pas les caractères des visages humains, autant en terme de proportions que coloration, que pour le visage d’une valkyrie, dont le charme doit impérativement être reconnu au premier coup d’œil.

Vient ensuite le choix des teintes.

C’est là que j’aborde le travail de la carnation. J’ai réalisé, lors de la réalisation des peintures des figurines du Conan de Monolith ed., que le teint de la peau a une importance fondamentale dans le rendu final de la peinture et dans l’expression du « caractère » d’une figurine. En gros il ne suffit pas d’avoir simplement une série de couches chair et un bon lavis pour avoir des créations crédible. Outre le choix du positionnement de la lumière et autres artifices artistiques, la gamme de teintes sélectionnées fera que le modèle sera au final classique ou proprement unique.
Et en plus, ça permet de voyager autour du monde, sans quitter son atelier :wink:

Un des éléments important dans la réalisation du visage est donc aussi d’avoir une carnation cohérente.
Habituellement (et à mes débuts ndRZ), je choisi le ton chair L&B comme teinte de référence. C’est une peinture dont la tonalité est plutôt claire. La qualité de la peinture d’art en tube permet des dilutions importantes, sans déliter la peinture, et permet également des mélanges avec des peintures, des encres ou des lavis plus clairs ou plus sombres afin d’obtenir des gammes de couleur cohérentes, riches et adapté autant pour les dégradés que pour les glacis et lavis successifs.

J’utilise donc habituellement cette peinture comme base pour travailler mes lavis d’ombrage dans le frais et pour mes glacis « redynamisant ».

Pour les peaux ambrées, une teinte type « terre de sienne naturelle » (base brune type peau sombre « métisse ») convient parfaitement pour les aplats de départ, et pour les carnations les plus sombre, la terre d’ombre (peau sombre de type « afro ») appliquée en plusieurs couches fines fait des merveilles.

Malheureusement, la teinte Ton Chair n’est à ce jour plus produite chez Lefranc Bourgeois. Comme référence, au mieux, je n’ai trouvé que le Jaune de Naples Rouge (Amsterdam, Liquitex,…). Cependant, la préparation de la peinture est devenue plus longue et complexe… Ma technique « de départ » est ainsi devenue à réserver pour des figurines à l’unité ou des projets ponctuels.
J’ai alors remis en question ma conception de la réalisation de la carnation. J’ai commencé par acquérir un nuancier plus complet, chez Citadel et Prince August.
Avec mon « retour » sur les terres de Warhammer (Warcry principalement) j’avais besoin de teintes chair facile à appliquer et stable (sans mélange à travailler, donc). Citadel Colour m’a fourni la solution. J’utilise principalement les teintes Cadian, Ratskin ou Bestigor comme base de départ. Prince August m’a fourni un nuancier alternatif (chair de base, chair bronzée, foncée, chair elfique, chair brune, chair sombre) qui font des points de départ très intéressants pour faire voyager la carnation.

Voilà pour les teintes de base.

Pour l’ombrage, deux écoles : soit réaliser ses propres lavis et tonalités d’ombrages avec la gamme sombre du nuancier, méthode longue, délicate, mais ô combien gratifiante (avec une infinité de nuances réalisables. Cette option est à mon avis à réserver pour les créations spéciales et les personnages particuliers), ou opter pour des lavis et encres préconçues (là encore c’est l’embarras du choix, et la standardisation des teintes permet un usage sur une quantité de figurines conséquente en une seule session, sans perdre en qualité entre deux modèles).

Il existe également des sets de teintes très intéressants et complet chez Scale 75, Green Stuff World ou Reaper, qui fournissent un nuancier de départ satisfaisant permettant d’aborder la carnation, mais ça, c’est une autre histoire…

Note : une astuce pour évaluer la crédibilité d’un ton chair ou d’une peinture que l’on souhaite utiliser comme base pour la carnation : il suffit de déposer, au pinceau, un trait de la teinte choisie sur le dos de la main. Simple, rapide –un peu sale :wink: - on peut ainsi se rendre compte de l’écart de nuance avec une peau authentique.

Voilà pour mes « petits délires personnels »…

Ah non, j’oubliais, les photos qui vont suivre sont en mode macro, dans une optique pédagogique. Comprendre par là, que ce qui prime, c’est la lisibilité des coups de pinceaux, plus que l’absolue précision du tracé (Je suis loin d’être le meilleur peintre du monde, donc je compense au mieux mes carences techniques en jouant sur la perspective et l’échelle). A noter que je « travaille » depuis un certain temps en jaugeant ma peinture via la macro et que ça m’a permis de faire un certain nombre de progrès sur la précision et le « bluff » du spectateur. Je me suis aussi abstenu de forcer sur le fondu, toujours pour rester lisible.

Donc, dans un premier temps, je vais aborder la peinture « rapide », en 4 étapes, d’un visage. Une méthode applicable à la totalité des figurines, et particulièrement adaptée à la peinture de masse. Dans un second temps, je vais approfondir la méthode, en donnant un niveau de détail supérieur, ce qui sera plus adapté à la peinture d’un personnage principal ou d’un stand alone.

Pour illustrer mon exemple, j’ai choisi les figurines d’un Barbare (dont je ne rappelle pas l’origine,…) et de l’Island Rogue Dragon Trapper Lodge. Les modèles ont de très beaux visages, expressifs et plutôt simples à valoriser pour une échelle en 30.

Commençons donc par passer le ton chair de base. Pour mon premier exemple, je choisi la chair bronzée PA. Il faut appliquer une couche bien uniforme de peinture. La dilution ne doit pas être trop forte. Si l’aplat ne semble pas assez uniforme, il suffit de repasser une seconde couche de peinture, légèrement plus diluée, afin d’obtenir une base de départ « solide ». Une fois la peinture bien sèche, je passe un lavis de Reickland Fleshshade Citadel Colour.
L’application du lavis est relativement abondante, mais j’apporte un soin particulier lors du passage du pinceau afin de bien mettre en valeur le travail du sculpteur, en marquant au mieux les volumes.

Je reprends ensuite ma teinte de départ, que je dilue jusqu’à obtenir une texture proche du glacis. Là, je marque les reliefs (nez, ailes du nez, arcades, front, pommettes, joues, menton et maxillaire inférieur).
Pour l’étape finale, j’éclaircie ma teinte de base avec de blanc de titane LB, et je dépose des touches sur la pointe et l’arrête du nez, les ailes, les pommettes, les arcades et le front. Je délimite également le menton et le maxillaire.

Voilà en 4 étapes un visage crédible réalisé simplement et prêt à affronter le champ de bataille.

Note : La peau humaine a toujours tendance à « briller » sous l’effet de la lumière, aussi il ne faut pas avec peur d’ajouter franchement de blanc dans le mélange. La juxtaposition des tons et le positionnement zénithal des éclaircissements, feront ensuite tout le travail face à un observateur à l’œil nu.

La démarche est sensiblement la même avec les peaux sombre. Sur la Island Rogue de Dragon trapper Lodge, je suis parti sur une base de chair brune PA. L’ombrage est réalisé avec du Reikland Fleshshade, le premier éclaircissement avec de la chair brune PA, le second avec de la chair brune mélangée avec de la chair pale PA.
La composante rouge du Reikland Fleshshade enrichi les ombres en donnant un aspect plus naturel qu’avec un lavis brun (type Agrax Earthshade ou Strong Tone AP). Dans le même ordre d’idée, le mélange de la teinte de base avec une peinture « chair » donne un résultat final plus naturel.

Pour ces types de carnation, je reste toujours prudent avec le blanc lors de la phase d’éclaircissement : l’interaction avec les pigments bruns dans le mélange donne une teinte chocolat un peu trop mat/terne à mon gout pour représenter la peau humaine.

Voici plusieurs exemples de visages peints avec cette méthode, dans plusieurs gammes de carnation.

Note : lors de l’application de la peinture, j’ai particulièrement travaillé le tirage. Il m’arrive même, pour la réalisation de figurines particulières, de diluer ma teinte de base en glacis est de gérer les éclaircissements uniquement par transparence, avec la superposition de couches successives de couleur de départ, comme avec ce Barbare pour Zombicide.

image

Cette méthode me permet ensuite de gérer plus facilement le placement des lumières et effets spéciaux (transitions chromatiques, fondus)…

Nouvelle petite parenthèse carnation, avec cette frise pas à pas des deux personnages utilisés pour illustrer mon petit article. Parce que faire un visage, c’est bien, mais le situer sur la figurine terminée, c’est mieux.

Les mélanges sont strictement ceux décrits pour les dégradés rapides du visage. Posés en zénithal, le dégradé donne du dynamisme aux volumes et rend la carnation crédible. La prise de vue et l’exposition –et quelques touches de glacis et de finitions- feront le reste.

Pour la réalisation d’un personnage particulier, approfondissons la méthode.
J’utilise pour mes exemples des têtes issues d’une grappe de Space Wolf Citadel. La sculpture très marquée des figurines Citadel fournit un support idéal pour s’exercer au placement de la peinture.

Cette fois, j’ai pris comme teinte de départ le ton chair L&B. En principe, dans la grande majorité des cas 2 couches de peinture diluée sont suffisantes pour obtenir un résultat satisfaisant. La première remplie les creux, la seconde unifie l’aplat.
Une fois mon aplat de départ totalement sec (1), j’attaque l’ombrage avec du Reikland Fleshshade. Pour un meilleur contrôle de mon premier lavis, je le dilue légèrement, soit avec une goutte d’eau déminéralisée, soit avec une goutte de Flow Aid Liquitex (et souvent avec un mélange des deux, au dixième, un goutte de Flow Aid pour 10 d’eau). Cet première couche d’ombrage délimite les volumes et marque les creux (2). J’ajoute ensuite une teinte profonde (ici du Brun Van Dyck Amsterdam, mais la terre d’ombre brulée LB, le Rhinox Hide Citadel, ou même de l’Agrax Earthshade, fonctionnent très bien à cette étape) à mon lavis, et je le passe le plus précisément possible autour du nez, dans les orbites, autour de la bouche, et sur le front, afin de marquer les lignes les plus profondes du visage, et de révéler l’expression générale (3). Pour terminer, je redessine les lignes du visage avec ma teinte de départ (4).
1 2 3 4

Pour les éclaircissements, comme précédemment, je dilue mon Ton Chair L&B afin d’obtenir quasiment un glacis. Je repasse les lignes que j’ai dessiné à l’étape précédente (nez, front, arcades, pommettes, bouche, menton et maxillaires) afin d’affiner au mieux mon dégradé (5). J’éclaircie ensuite ma teinte avec du Blanc de Titane et je dépose des touches sur l’arrête du nez, les arcades, les rides du front, les pommettes les lèvres et le menton (6). On peut ensuite éclaircir une deuxième fois la teinte et accentuer le dégradé avec des touches peinture encore plus fines, afin de contraster encore les reliefs (7). Pour finir, je réalise les détails (yeux, dents, cheveux…) et voilà un visage plutôt expressif ! (8)
5 6 7 8

Par la suite, on peut décider de donner plus de tempérament au visage, en joutant des rougeurs (qui exprimeront une émotion, des tuméfactions, un essoufflement,…) ou une pilosité, afin de renforcer le caractère du personnage.
Je choisi de présenter la réalisation du fameux « five’o clock shadow ».

Pour cela je délaye un peu de Nuln Oil Citadel Colour dans ma teinte de base jusqu’à obtenir un glacis de « chair grisé », puis je l’applique sur le menton les joues et sous le nez. Ensuite, je redessine les contours de la bouche et du menton avec un mélange de ton chair et de blanc titane LB. Le résultat est à la fois assez discret et plutôt parlant.

Pour se rendre compte de l’effet sur une figurine terminée, voici une photo de ma version old school de Leman Russ, dont la peinture a été restaurée à l’occasion des 25 ans du codex Space Wolf originel et pour lequel j’ai utilisé cette méthode de peinture.

Je voulais donner un côté briscard et brutal a cette figurine d’officier en campagne, pour mieux coller au dessin concept du personnage.

Voilà ce que je peux partager sur le sujet. La peinture du visage est donc loin d’être inabordable, y compris pour les débutants.

L’important est de pratiquer pour passer de ça…
DSCF8719

…à ça.

7 « J'aime »

J’ai une version PDF en stock, mais je ne sais pas où la mettre à disposition pour téléchargement.

un petit coup de main?

1 « J'aime »

Super article ! Je te propose de publier ça sur le blog si tu veux, on peut également mettre le pdf en téléchargement.

Si tu le souhaites, dis-moi et on voit en mp.

1 « J'aime »

ok, je te mp dans le week end.

Après réflexion, cette version est une approche plutôt axée débutant. je devrais travailler sur une régles « avancées » pour la fin de l’année (au programme le glacis, les finitions, les regards…).

le sujet est finalement un peu incomplet pour moi.

1 « J'aime »

Super intéressant.
Merci pour le partage. :wink:

1 « J'aime »

Sujet très intéressant!
Merci @razorspoon pour ton retour d’ expérience et tes techniques .